Publié par : Michel | 20 février 2011

Note du Conseil d’Analyse Stratégique sur la consommation durable


Le CAS est une institution d’expertise et d’aide à la décision placée auprès du Premier ministre. Il a émis en janvier 2011, une note de synthèse dont voici le résumé:

“On s’accorde aujourd’hui largement sur le caractère non durable de notre modèle de consommation, excessif dans ses prélèvements comme dans ses rejets, destructeur du climat et de la biodiversité.
Face à ce constat, les États ont jusqu’ici cherché à “verdir l’économie” en favorisant une production plus respectueuse des normes sociales et de l’environnement.
Cette approche se révèle insuffisante : le progrès technologique, pour nécessaire qu’il soit, ne fera pas contrepoids à l’augmentation de la population et à l’évolution de nos modes de vie. Nous devons également modifier nos comportements pour tendre vers une véritable “consommation durable”.
Celle-ci nous semble devoir être définie non seulement en référence au développement durable mais surtout comme un changement profond des habitudes nées de l’essor des sociétés modernes de consommation. Les besoins des citoyens seront satisfaits par des biens et services plus économes en ressources, moins polluants et contribuant au progrès social, mais aussi par des échanges dématérialisés (location, partage, troc). Ce modèle induira une évolution de la culture et des modes de vie, où la jouissance matérielle reculera au profit d’autres pans de l’art de vivre (liens familiaux, culture, art, sport). Cette évolution suppose la vision politique d’une société dans laquelle la consommation matérielle ne serait plus le facteur déterminant du bien-être et de la qualité de vie, autrement dit la sortie d’une société centrée sur la consommation.

Elle entraînera une modification progressive des circuits économiques qui devra rester compatible avec les fondamentaux de la croissance et avec la compétitivité de nos entreprises.

Les propositions de la présente note visent à mettre en place les bases d’une politique nationale de consommation durable qui devra être déclinée sectoriellement.

1- Instituer des mesures d’éducation à la consommation durable dès le plus jeune âge et sensibiliser le consommateur à travers des groupes cibles et à des moments clefs de la vie.

2- Encourager les initiatives pionnières locales dans une logique “ascendante” : circuits courts, écoquartiers…

3- Soutenir l’innovation, aussi bien technologique qu’organisationnelle, au service de la consommation durable, notamment en associant des exigences de développement durable au label “Made in France”, et en encourageant l’écoconception.

4- Mettre en place les outils économiques et les “signaux-prix” nécessaires à cette transition : contribution climat-énergie, tarifs progressifs de l’eau et de l’électricité, financement des éco-labels par les entreprises non labellisées.

5- Renforcer l’adoption par l’État et les collectivités territoriales de politiques de consommation et de commande publique durables.

6- Assurer un suivi pérenne de la politique nationale de consommation durable en mandatant une instance dédiée.

Il est intéressant de noter l’évolution de la réflexion de notre gouvernement quant à l’efficacité des orientations économiques qu’il a promues jusqu’à présent. Cette réflexion intègre désormais les notions d’effet rebond, d’externalisation, de progressivité des tarifs, des méfaits du greenwashing, de la nécessité de lutter contre l’effet marqueur de la consommation (méfaits de la publicité), l’intérêt d’autres formes de consommation comme location, partage, des circuits courts (les AMAP sont citées!). Toutes ces propositions avaient préalablement été définies par différents mouvements alternatifs, présentées de longue date au public souvent incrédule, défendues avec vigueur sur de longues périodes, face à des dirigeants imperturbables. Nous pouvons nous réjouir aujourd’hui de ce que nos dirigeants ont écouté la somme de leurs propositions et en ont retenu quelques unes qu’ils nous présentent ici. Nous pouvons maintenant rappeler aux élus et aux dirigeants d’entreprises que nous rencontrons au quotidien, ces propositions du CAS et leur demander comment ils comptent les traduire dans leur politique et les orientations de leurs structures.

Par contre, il est toujours navrant de voir que le CAS reste encore handicapé par un vocabulaire passéiste. Il s’inquiète toujours du maintien des fondamentaux de la croissance et de la compétitivité de nos entreprises. Le dogme de la croissance [du PIB, évidemment!] a la vie dure même si notre gouvernement recherche la mise en place au niveau international d’autres indicateurs.

Le CAS se contredit en se gardant tout d’abord de promouvoir une “société de la décroissance » et deux phrases plus loin en affirmant “nous devons dès aujourd’hui réduire les pressions engendrées par nos modes de consommation sur les écosystèmes, diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, notre consommation d’hydrocarbures et de ressources naturelles« .

Bonne lecture!


Réponses

  1. Cette question d’un choix pour un développement durable par la décroissance (des productions et des consommations actuelles) et non dans le cadre d’une croissance (du PIB) pose un problème de vocabulaire.

    Quand un tiers des jeunes et de leur famille ne part pas en vacances ou vive dans des conditions dignes du XIXème siècle, quand un quart de la population française habite dans des logements indécents, quand plus de la moitié de la population mondiale vit dans la misère (1) , comment peut-on mettre en avant l’idée de « décroissance » sachant qu’en paraphrasant Paris Match, nous tendons à ne retenir que « le Poids des Mots » (auquel il ajoute « le Choc des photos »)?

    Problème lexical donc car dans sa première acception, ce nom « décroissance » a pour synonyme communément admis l’idée de « déclin » de « diminution » ce que des personnes retiennent uniquement. Le problème est que le choix de son utilisation par les écologistes alternatifs renvoie à son deuxième sens qui est de l’ordre de l’économique, déf. du Pt Robert : Décroissance 2. Politique économique visant à réduire le taux de croissance du P. N. B..

    Communiquer sur cette thématique essentielle mérite donc des précisions et d’éviter cette confusion entre les deux sens. Il serait donc souhaitable qu’elle soit résumée dans un mot ou une expression qui laisse une impression positive.

    Si la décroissance est entendue comme qq chose de l’ordre du déclin (et cela existe, n’entend-t-on par dire que les écolos veulent revenir à la lampe à pétrole ?), alors ne sommes-nous dans une démarche limitée par avance ? Il me semble que nous sommes moins dans la décroissance que pour « une autre croissance » basée sur des valeurs et des pratiques autres que celles repérées dans le calcul actuel des PIB.

    Pour moi, la note de synthèse du CAS et les commentaires qui l’encadrent ci-dessus ne sont en contradiction avec cette idée positive d’« une autre croissance » (plutôt qu’une « décroissance »): croissance des innovations « durables » en matière de satisfaction des besoins individuels et collectifs, croissance des fonctionnements alternatifs en divers domaines et dont l’expertise aura une valeur dans la dynamique de la globalisation, croissance des valeurs qui ne sont pas suffisamment prises en compte avec les indicateurs correspondants (pêle-mêle et non exhaustif : qualité des conditions de vie, qualité de l’éducation offerte à tous, qualité des liens sociaux et de la vie démocratique, qualité des soins, qualité de la fin de vie des personnes, qualité des pratiques et échanges culturels en particulier …)

    Qu’en pensez-vous ?

    (1) Je ne suis pas sûr des proportions mais c’est quelque chose de cet ordre.

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  2. Merci pour cette remarque qui rappelle de nombreuses réalités désastreuses de notre civilisation.
    L’essentiel du billet était de noter les avancées significatives des interrogations de nos édiles quant à l’efficacité du développement durable et aux changements qu’ils devront imposer à notre consommation et à nos modes de production pour assurer la durabilité de notre société.
    Ce billet insistait sur la prise de conscience de nos dirigeants sur le besoin de réduire ce qui auparavant était considéré comme les intrants de l’économie : matières premières, énergies non renouvelables.
    Sur ce point, je crois comprendre que nous sommes d’accord.

    Tes remarques avancent le besoin de faire croître d’autres indicateurs. Nous sommes encore d’accord.

    Nos deux descriptions de la situation économique actuelle montrent les deux faces de la même réalité et ces deux faces sont intimement dépendantes l’une de l’autre.

    Tu rejettes le terme de décroissance : cela se discute!
    Le terme de décroissance fait polémique autour des contre-sens possibles et de la négativité qu’il émane (jusqu’à l’écolo-fachisme) mais il fait aussi consensus, pour une partie de la gauche alternative, pour sa concision et sa force figurative (le mensuel éponyme ne tire-t-il pas à 50.000 exemplaires!).

    Tu proposes une « autre croissance » mais tu ressens immédiatement le besoin de préciser l’objet de cette autre croissance par 8 lignes de texte : tu conviendras que cela n’est pas très pratique dans la conversation courante. Mais dans un texte, pourquoi pas.
    Nous pourrions également parler de sobriété volontaire, de frugalité bienheureuse… J’aime aussi l’expression « moins de biens et plus de liens » ou bien l’a phrase de Gandhi : « La Terre fournit assez pour la satisfaction des besoins de chacun mais pas assez pour l’avidité de chacun » constat qui sert de base à une attitude de partage entre tous des richesses de la Terre.

    Mais encore une fois, il ne s’agit que d’expressions qui recouvrent la même attitude militante, responsable et altruiste.

    Toute suggestion lexicale sera la bienvenue pour résoudre ce crucial dilemme sémantique qui resurgit à chaque débat sur ce phénomène.

    Quant à la force des mots, je crains que nous n’ayons développé une cuirasse anti-information, qui nous protège des trop nombreux messages qui nous assaillent en permanence et qui nous évite de trop nous mettre en situation. Si cela n’était, le moindre film de Nicolas Hulot, de Yann Arthus-Bertrand ou d’Al Gore aurait déjà « convertit » la terre entière à un comportement plus solidaire!

    Pour rappel, afin d’éviter toute confusion ou l’affolement de certains, la décroissance ou l’autre croissance est un régime à appliquer à certains gros consommateurs de la planète Terre, quelques pourcents, dont la quasi totalité des payeurs d’impôts sur le revenu occidental fait partie, et ne devra pas être généralisée à toutes les couches de population de tous les pays.

    Mais réjouissons-nous du changement de pensée de nos gouvernants tout en mesurant le travail d’éducation qu’il nous reste à accomplir auprès d’eux!

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  3. Je viens en soutiens de la remarque de Didier au sens où le terme décroissance est un terme négatif. Or pour gagner la bataille des idées et des coeurs il faut faire rêver, il faut donner envie d’un mode de vie alternatif. En continuant à employer un terme négatif, le mouvement écologiste restera marginal et il lui sera toujours opposé cette attitude négative par ses farouches adversaires, même quand les effets réels d’une certaine décroissance (baisse de la production pétrolière..) se feront sentir. Je propose donc de commencer par porter la bataille lexical sur les termes que nous condamnons. Bernard Stiegler parle ainsi de ‘mécroissance’ en parlant de la croissance telle qu’elle est définie aujourd’hui par les critères quantitatifs que sont la hausse du PNB, des revenus, de la consommation.. Nous ne prônons pas la décroissance, nous condamnons la mécroissance qui conduit à l’épuisement des ressources, à l’aggravation du changement climatique, à des bouleversements politiques menant à des conflits pour l’eau et les ressources agricoles.
    Nous, écologistes parlons de croissance douce, sobriété heureuse, de hausse du lien social, d’accroissement des égalités. Parlons positivement pour donner envie aux gens de croire en notre discours. Alors seulement notre discours sera audible.

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